Quel(s) avenir(s) pour les incubateurs et accélérateurs corporate de start-up ?

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Quel(s) avenir(s) pour les incubateurs et accélérateurs corporate de start-up ?

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28 octobre 2018

Pascal Latouche

28 octobre 2018

Pascal Latouche

Parmi tous les incubateurs et autres accélérateurs corporate étudiés pour rédiger l’ouvrage « Innovation Ouverte, l’incubateur corporate », il y a un cas (le cas E « L’art du pivot », page 173) qui semblait être celui qui disposait des meilleurs atouts de départ. D’une part l’incubateur corporate s’adossait à un grand groupe qui avait le plus important historique relationnel avec des start-up. D'autre part, cela faisait une bonne dizaine d’années que le grand groupe en question avait poussé le levier de l’innovation ouverte, d’abord au sein de la R&D, puis dans toutes ses divisions.

A priori, comme vous l’imaginez, je pensais que cette appétence et cette familiarité avec l’innovation ouverte pouvait faciliter le développement de cet incubateur corporate. Pourtant, ce dernier fut dans l’obligation de s’adapter en pivotant sans cesse … au point non seulement de ressembler à ses invités, les start-up, mais aussi de devenir comme ses clients internes (les lignes de marchés ou business units).

D’après le responsable de cet incubateur corporate :  » l’incubateur corporate a connu trois grandes étapes « . D’abord au service des autres : « 80% de mes équipes travaillaient pour le reste du groupe et 20% sur nos projets ! « . En somme, l’incubateur corporate très majoritairement cherchait à placer des start-up auprès des lignes de marché. Dans la seconde phase, un an après son lancement :  » on a travaillé à 80% sur nos projets dans nos champs stratégiques, et les 20% restant en accompagnement de l’interne ! « . Ce premier pivot a permis à l’incubateur corporate de s’ancrer sur les orientations stratégiques du grand groupe. Dans la troisième phase (encore un an après) :  » il s’agissait d’obtenir plus de ressources et être capable sur les projets que nous portons de dire qu’on va faire levier sur des compétences groupe, un réseau de distribution, du capital, une usine, un client ! « . Avec ce second pivot, il s’agissait donc de générer de la valeur en capitalisant sur les start-up, dans les cadres stratégiques issus du premier pivot.

Face à de telles évolutions, le responsable de cet incubateur corporate a tenu à préciser que  » ce n’était pas une vocation de bouger pour bouger, mais la structure avait besoin de s’adapter si elle voulait réussir à générer de la valeur pour le groupe « .

Ces évolutions n’étaient donc pas le fruit du hasard. Cela répondait à une vraie ambition, et pas seulement d’ailleurs. En effet en creusant ce cas, j’ai pu constater que ces évolutions étaient aussi le fruit des expériences malheureuses accumulées par le responsable de cet incubateur corporate avec les business units (les lignes de marché internes au grand groupe).

Le responsable de cet incubateur me partagea d’ailleurs une série de remarques qu’il semble inutile de traduire tant elles sont aussi claires que de l’eau de roche.  » Il est difficile d’embarquer les lignes de marché dans notre dynamique et c’est normal en même temps puisque ce n’est pas ce qu’on leur demande. Pour être passé par les Opérations (business units) avant, à aucun moment vous n’êtes incentivés sur l’innovation ; on vous demande d’être efficace, de maîtriser les risques. Tous les contrats d’innovation, quand ils arrivent sur le terrain, c’est de la communication, mais aussi de l’inefficacité, de l’incertitude, avec un impact très négatif sur votre compte d’exploitation. Donc, en tant que bon manager, vous n’avez aucun intérêt à pousser l’innovation « .

Le responsable de l’incubateur corporate ajouta :  » c’est compliqué parce que même si on a le soutien du top management au sein du groupe, il ne va jamais mettre la pression aux Opérations. C’est-à-dire que le top management considère que les Opérations ont un mandat qui est le leur, et que l’incubateur corporate a le sien ! Vu du top management du groupe c’est à nous de nous débrouiller … « .

C’est donc la conviction de «  la schizophrénie des grands groupes qui opposent innovation et efficacité « , qui entraîna les adaptations que le responsable de cet incubateur corporate fit subir à la structure. Aujourd’hui, d’après son responsable : «  l’incubateur corporate est devenu une ligne de marché et c’est vraiment une start-up…  » dont il cherche sans cesse à faire évoluer le modèle, à le rendre scalable à travers des projets qui peuvent ébranler les modèles économiques traditionnels internes.

Ce cas met en lumière trois enseignements. Le premier est selon moi qu’un incubateur ou un accélérateur corporate s’il veut assurer sa pérennité doit sans cesse rester en mouvement à l’instar des start-up. Le second c’est qu’un incubateur ou un accélérateur corporate ne sera impactant que s’il est responsable de ce qu’il porte. Enfin, le troisième est qu’un incubateur ou un accélérateur corporate même s’il n’arrive pas à être viable sur le long terme, aura tout de même un effet sur la capacité du grand groupe à faire des choix, car il aura de toute façon apporté des partis pris nouveaux. Wait and see…

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