Cela reflète finalement deux constats. D’une part, les start-up qui répondent aux appels à projets en sont encore à penser que l’incubateur ou l’accélérateur corporate est un « zone passe-plat » entre start-up et lignes de marché. D’autre part, il faut reconnaître que les acteurs des lignes de marché s’imagine que l’incubateur ou l’accélérateur corporate est juste un intermédiaire d’identification de start-up. Après tout, il parait que ce sont les lignes de marché qui signent les contrats avec les start-up au final…
Pourtant, le rôle de l’incubateur ou l’accélérateur corporate est autrement plus essentiel, voir incontournable. C’est bien dans cette structure médiane que va se construire les partenariats commerciaux, graal pour la start-up, ET (mais pourrais-je dire…) un projet parmi d’autres pour la ligne de marché concernée…
La comparaison la plus pertinente qui m’est venue à l’esprit au fil du temps est en autre celle du travail de l’architecte. L’architecte, selon le dictionnaire Larousse (1) est une « Personne qui conçoit le parti, la réalisation et la décoration de bâtiments de tous ordres, et en dirige l’exécution ». Certaines catégories d’architectes peuvent inscrire leur art dans les comportements des hommes que ce soit chez eux ou au boulot. On les appelle les architectes d’intérieur. Dans mon métier, ce sont les interactions qui sont à construire.Dans le cas de l’équipe d’un incubateur ou d’un accélérateur corporate, il me semble qu’il s’agit là d’un travail de concepteur réalisateur d’interactions entre start-up et internes du grand groupe. L’équipe de l’incubateur ou de l’accélérateur corporate dirige l’exécution de ces interactions et cherche à inscrire son art dans la vie professionnelle quotidienne des deux acteurs visés (start-up et internes de grands groupes). De cette équipe dépendent alors les réalisations entre start-up et internes du grand groupe, dans le respect d’un double objet : d’une part mettre en œuvre pour le grand groupe une nouvelle fabrique de l’innovation basée sur des start-up, et d’autre part permettre aux start-up de trouver leur marché. Ce sont là des enjeux majeurs de part et d’autre.
On sait tous que la relation directe entre une start-up et une grande entreprise comporte un risque majeur de mortalité pour la start-up. Le vieil adage « Le temps, c’est de l’argent » n’est jamais aussi vrai que pour la start-up par rapport à la grande entreprise. La donnée temps si elle est de plus en plus importante pour le grand groupe, n’en reste pas moins gérable au regard du trésor de guerre accumulé par ce dernier. Pour la start-up, le temps est juste une donnée mortelle. Il convient d’avancer vite et en consommant le minimum de ressources. L’enjeu de la relation start-up / grands groupes est d’importance car il ne s’agit pas d’être efficace, mais bien de s’inscrire dans l’efficience.
Les interactions constituent donc une « matière première » majeure pour gérer cette efficience dans le labyrinthe du grand groupe. Cette matière première n’est pas un matériau palpable bien évidemment. Il n’en reste pas moins que travailler cette matière a des effets pour le moins palpables si cela est fait de façon efficiente. En effet, il s’agit de s’interroger à chaque fois sur la pertinence de l’interaction à mettre en œuvre. Une interaction inutile revient en quelque sorte à affaiblir le système d’ensemble. Ce serait alors comme si l’architecte introduisait un matériau inadapté pour construire la maison. Autant dire qu’en cas d’intempéries (inévitables), c’est la maison (le partenariat) elle-même qui s’effondrerait.Pour pratiquer l’incubation ou l’accélération corporate, il ne s’agit pas de s’imprégner et de verbaliser des méthodes toute faites dans des bouquins (Lean start-up, ect.), mais d’approcher la réalité de la relation start-up / grands groupe en considérant les dimensions structurelles et sociologiques des acteurs, en somme la dimension socio-organisationnelle. Il convient d’anticiper les problèmes, et puiser ou combiner en temps réel des pratiques simples pour y faire face, avec l’aide des acteurs qui de part et d’autre vont faciliter les échanges. L’équipe en charge de l’incubation ou de l’accélération corporate doit dessiner des perspectives, des lignes de force, puis créer des zones de frottement, ce que la littérature qualifie d’Evènements Configurateurs de Champs (ECC).
L’ECC (ou Field-Configuration Events (2) – FCE en anglais) est un concept de la littérature anglo-saxonne que l’on pourrait traduire en des termes plus simples par « patterns of interaction ». Les ECC sont des événements temporaires, tels que les Trade shows, les réunions professionnelles, les cérémonies d’affaires et plus généralement toutes les configurations qui réunissent des gens concernées et utiles. Ces événements « forcent » les acteurs start-up et lignes de marchés à se rencontrer, à se coordonner, à collecter de l’information utile et aussi à rencontrer d’autres acteurs connexes susceptibles de soutenir. Ce sont ces ECC qui vont en quelque sorte donner du corps et de la consistance tangibles aux interactions utiles.
Les résultats seront d’autant plus au rendez-vous que l’architecture d’interactions, menée en faisant preuve d’intelligence des personnes et des situations, s’inscrira dans un système de travail. J’aurai l’occasion de le décrire en détails prochainement…
(1) http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/architecte/5072
(2) Lampel & Meyer, 2008
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