Le théoricien du comportement nous laisse souvent penser que l’aversion pour le risque (ce que l’on pourrait perdre) est plus forte que le désir de changer (ce que l’on peut gagner). Au fil de ces chroniques, vous prendrez pourtant conscience que la volonté de rester sur le chemin du #changement permet de le réaliser, car, en fait, on ne peut rien face à ce qui est enrichissant pour soi … Question de #management des situations, notamment lorsque cela touche à l’innovation ouverte !
Pour ce premier incubateur corporate dont je vous livre la chronique, en tout premier lieu, il convient de souligner qu’il était une structure très jeune au moment où il fut étudié. Autant dire que son responsable manquait cruellement de recul par rapport d’une part au travail à réaliser, et d’autre part aux bénéfices que la structure pouvait apporter au groupe. Cet incubateur corporate fera feu de tout bois et finalement des choix radicaux pour garantir ses premiers pas dans le groupe.
En contexte, le groupe en question « est positionné sur un marché qui se transforme et entend profiter du potentiel d’innovation porté par les startup incubées pour parvenir à asseoir son positionnement pour lui-même », mais aussi dans ses rapports à d’autres grands groupes. Indiquons par ailleurs que jusqu’à la décision de lancer un incubateur corporate, « le groupe avait des relations ponctuelles et peu formalisées avec le monde des startup et que ces dernières étaient considérées comme de simples fournisseurs de solutions technologiques plutôt que de réels partenaires. » Pour finir, de l’avis du responsable de la structure d’incubation : « le groupe bénéficie d’une bonne image en matière d’innovation ! Le groupe a été amené à se réinventer plusieurs fois au cours de son histoire ! ».
La mise en œuvre de l’incubateur corporate devait donc traduire un nouveau point d’inflexion et une prise de conscience de la nécessité de changer les choses, et cette fois ci en matière d’innovation. « L’incubateur corporate a été initié et amorcé par le PDG ! » et au-delà, « ce lancement fut largement et pleinement soutenu par le discours officiel de la direction. » Ce fut un formidable avantage pour légitimer l’incubateur corporate. En effet, « le concept de l’incubateur corporate étant nouveau, promouvoir et communiquer largement sur les missions dévolues à un incubateur est indispensable. »
Initialement, deux missions ont semblé essentielles à ce responsable pour réussir sa mission : « réinventer le futur en capitalisant sur les solutions innovantes de startup » et « développer des partenariats commerciaux courts termes avec des startup. » Il faut noter que le travail réalisé par le responsable de l’incubateur corporate fut différent selon que l’accent fut mis sur l’une ou l’autre de ces missions.
En effet, lorsque la mission faisait peu ou pas appel aux acteurs internes (mission : inventer le futur avec les startup), le travail managérial réalisé a visé principalement à changer des associations normatives concernant la fabrique de l’innovation. Pragmatique, le responsable de cet incubateur m’a indiqué que, « dans ce cas, la mise en œuvre d’un incubateur corporate repose en très grande partie sur les startup. » (et donc non sur les acteurs internes).
A contrario, lorsque la mission réclamait une implication plus forte des acteurs internes (mission : partenariats commerciaux avec les startup), le travail managérial réalisé a plutôt été un travail de construction d’identités communes et de réseaux. Il a été essentiel pour le responsable de l’incubateur corporate de « pouvoir compter sur des acteurs volontaires pour soutenir telles ou telles startup ayant développé une solution Ready to use. »
Au fil de l’eau le responsable de cet incubateur corporate, tout en se donnant ces deux missions a choisi de prioriser ses actions … « le choix de faire un 80-20 », c’est-à-dire qu’il s’est situé plutôt sur des activités où le groupe peut être une aide, sans être leader sur le développement (mission 1), tout en apportant, de temps en temps, des solutions un peu plus immédiates ou « ready to use » aux lignes de marché (mission 2). Explication demandée, voilà ce qui me fut exprimé : « Souvent, élaborer des partenariats commerciaux demande des intégrations, du temps passé dans le groupe, des changements de roadmap, etc. Et donc cela peut bloquer à ce niveau-là. Le groupe ne peut pas tout absorber ! »
Les éléments ci-dessus indiquent donc que le responsable de l’incubateur corporate s’est voulu pragmatique afin d’adapter progressivement la structure au contexte. Il a volontairement « joué » avec l’ambiguïté fonctionnelle propre à ce type de dispositif très malléable. D’ailleurs pour aller plus loin, au-delà des missions précédemment cités, le responsable de cet incubateur corporate se mis comme ambition de développer deux nouvelles missions : « le corporate venture et l’essaimage. » En augmentant le périmètre de ses activités, ce responsable a pensé (à raison) « accroître le nombre d’acteurs impliqués et développer de nouveaux réseaux d’alliances » pour propulser encore son dispositif sur le devant de la scène.
Quid des résultats ? Le responsable de l’incubateur corporate a reconnu après quelques mois d’existence deux points qu’il est utile de partager :« Pour l’instant, j’ai l’impression que toutes ces pratiques en fin de compte aujourd’hui ça soutient complètement l’image du groupe. »
« Moi mes KPIs ça va être dans deux ou trois ans d’avoir réussi à lancer deux ou trois histoires sympas, que ce soit en essaimage, en investissement ou en intégration. »Moralité de l’histoire : « Il faut communiquer de manière individuelle avec plein de personnes dans le groupe car il faut du temps pour s’approprier des messages !» Aussi, en corollaire des ambitions et autres objectifs que l’on peut se fixer pour un dispositif d’incubation corporate, une évangélisation interne et continue est indispensable. Il y a besoin de beaucoup d’explications avant de saisir la nature d’une nouvelle démarche. C’est toujours plus simple de raconter une histoire quand on a fait tourner la machine une ou deux fois…
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